Compte-rendu de la présentation de Camee Maddox, étudiante-chercheure en Anthropologie à l’Université de Floride, le 3 juin 2009.
Le féminisme aux Etats-Unis a évolué par vagues successives :
- lutte pour le suffrage des femmes
- pour la reconnaissance du viol entre en époux
- utte contre les inégalités sociales et culturelles
- les discriminations au travail, le sexisme et le harcèlement
- enfin la 3e vague aborde les échecs et les insuffisances de la 2e vague du féminisme, ainsi qu’une définition universaliste et essentialiste de la féminité et la sororité.
Ce courant majeur du féminisme, du Women’s Lib, a été critiqué par les féministes noires, ainsi que par celles du Tiers-Monde pour son ethnocentrisme et son ignorance des expériences des femmes de couleur qui subissent une forme supplémentaire d’oppression faisant intervenir la race, la classe, et le sexe. Elles ont également dénoncé les pratiques institutionnelles d’exclusion des femmes universitaires noires américaines des salles de classe, la non reconnaissance des contributions scientifiques de féministes de couleur dans les sociétés postcoloniales . Par Black feminism, il ne faut pas entendre les féministes “ noires ”, mais un courant de pensée politique qui, au sein du féminisme, a défini la domination de genre sans jamais l’isoler des autres rapports de pouvoir, à commencer par le racisme ou le rapport de classe, et qui pouvait comprendre, dans les années 70, des féministes « chicanas », « natives américaines », « sino-américaines », ou du « tiers-monde”.
A côté du Black Feminism est apparu un autre mouvement le Womanism terme inventé par Alice Walker pour décrire les perspectives et expériences des femmes de couleur.
Selon Layli Phillips le Womanism peut être caractérisé en 5 points.
1) Anti-oppression : une womanist sait reconnaître les divers types d’oppression et mène un combat antisexiste, antiraciste, antihomophobe, et antixénophobe, pour en nommer quelques-uns. « En effet, le womanism vise à permettre aux populations de transcender les relations de domination et d’oppression en tout ».
2) Utilisation de la langue vernaculaire. En d’autres termes, il parle de la réalité quotidienne de la collectivité, et ainsi peut atteindre des personnes d’horizons différents, qui partagent les mêmes besoins et préoccupations humaines pour la nourriture, le logement, les relations, la communication, le corps et la santé, l’amour, la vie et la mort.
3) Non ideologique : il n’y a ni lignes de démarcation ni homogénéisation comme c’est le cas généralement dans une perspective idéologique.
4) Communautaire : les Womanists voient la communauté comme un groupe dans lequel s’entremêlent divers niveaux depuis la femme noire ou de couleur, suivie de la communauté noire en général, puis d’autres communautés de couleur, tous les peuples opprimés, et enfin se terminant avec l’ensemble de l’humanité. On voit là que le Womanism n’est pas uniquement préoccupé par la question des femmes noires mais par le bien commun de tous les humains.
5) Une dimension spirituelle qui reconnaît l’interdépendance entre la transcendance et la vie quotidienne. Cela s’étend à l’activisme de justice sociale et aux perspectives découlant de croyances spirituelles. C’est peut-être ce qu’il y a de plus original et controversé parmi les caractéristiques du Womanism.
Phillips énonce un certain nombre de valeurs et de méthodes permettant au Womanism de promouvoir la transformation sociale. Il s’agit notamment du dialogue, d’arbitrage et de médiation, d’activités spirituelles, de l’hospitalité, d’entraide et de maternage social, autour d’activités visant à promouvoir l’harmonisation et la coordination, l’équilibre et la guérison. La violence et l’agression sont inacceptables.
Pour Layli Phillips le Womanism est un changement social ancré dans la résolution des problèmes de vie quotidienne des femmes noires et d’autres femmes de couleur et étendu à l’élimination de toutes les formes d’oppression pour toutes les personnes, le rétablissement de l’équilibre entre les êtres humains et l’environnement , et la conciliation de la vie humaine avec la dimension spirituelle.
Pour en savoir plus : black Feminism : Anthologie du féminisme africain-américain, 1975-2000 . Paris, L’Harmattan, 2007, textes choisis et présentés par Elsa Dorlin, maître de conférence en philosophie à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne.