Jane Léro co-fondatrice de l’UFM (1916 – 1961)

par | Août 6, 2021 | Féminisme

Jane Léro est une des fondatrices de l’Union des Femmes de Martinique et pionnière du Mouvement  féministe en Martinique.

Fille de commerçants du Lamentin, Jeanne Marie Apollinaire Léro naît le 8 février 1916. Elle est la cinquième d’une fratrie de huit enfants et l’ainée des trois filles.

Après un cursus élémentaire au Lamentin, elle fait ses études secondaires à Fort-de-France, au Pensionnat Colonial puis au lycée Schoelcher car elle est alors, une des rares filles à choisir la voie scientifique. Jane termine brillamment sa scolarité, elle obtient le prix d’honneur de Mathématiques et réussit au baccalauréat de Mathématiques élémentaires en 1937. Une prouesse pour cette jeune  fille dont les problèmes de santé ont souvent interrompu la scolarité. Jane désire alors suivre la voie tracée par ses frères : partir en France et poursuivre des études supérieures. Mais les circonstances en décident autrement et Jane doit rester en Martinique, signe pour elle, d’une inégalité subie.

Décidée à gagner sa vie, rétive à tout emploi d’enseignante ou de bureau, elle ouvre un magasin, 91 rue Schoelcher et affirme ainsi son esprit d’indépendance. La Martinique est alors dirigée par l’Amiral Robert, haut-commissaire du gouvernement du Maréchal Pétain, qui exerce une autorité sans limite et organise une véritable répression. Jane, sensibilisée dès son adolescence aux événements politiques sociaux et économiques en raison de l’engagement de ses proches est très affectée par cette situation. Elle fait aussi partie des initié·es qui lisent la revue « Tropiques » animée entre autres par René Ménil, Aimé Césaire, Suzanne Roussi- Césaire, Lucie Thésée. Son magasin devient vite un espace de convivialité, un lieu de débats politiques et d’échanges culturels.

A 27 ans en 1943, Jane  Léro rejoint le Parti communiste en pleine reconstruction et trouve là un terrain propice à l’action.

Le parti a décidé d’accentuer sa propagande en direction de l’électorat féminin car l’ordonnance du 21 avril 1944 a accordé le droit de vote et l’éligibilité aux femmes.

A partir de 1944 et pendant les campagnes électorales de 1945, Jane rédige de nombreux articles publiés dans le journal « Justice », «Pour la libération de la femme ; L’émancipationdes femmes ; Le rôle social de la femme ». Elle contribue à la diffusion du journal en vente dans son magasin. Lors de la campagne électorale des municipales de 1945, elle participe aussi avec d’autres militantes à des conférences publiques à Fort-de France et dans les communes où les communistes soutiennent des listes. Lors de ce premier vote des femmes, 57 d’entre elles sont élues dans les conseils municipaux.

Fort de ces victoires électorales remportées grâce à une importante participation féminine, le parti communiste appelle à une nouvelle assemblée de l’Union de Femmes, après la première réunion du 11 juin 1944. Jane et ses camarades organisent cette réunion et le 24 novembre 1945 le comité provisoire de l’Union des Femmes de la Martinique est constitué.

Il s’agit là de la véritable naissance de l’UFM qui réunit, outre les militantes communistes, des femmes démocrates indépendantes. Jane Léro est une des fondatrices et la secrétaire de cette association, tout passe par elle, sa combativité et sa disponibilité font d’elle, aux yeux de la plupart

des militantes, la présidente. Cependant, aucun document ne permet de prouver pour l’instant que Jane ait assumé cette fonction.

C’est  dans le contexte économique et social difficile de l’après guerre que l’UFM engage ses premières actions. Jane est alors la cheville ouvrière de l’association. Elle participe à la création des premiers comités de l’UFM dans les quartiers de Fort-de-France et les communes. Les militantes mettent en place des actions en faveur des populations les plus défavorisées concernant notamment l’hygiène, la malnutrition et la petite enfance. C’est ainsi qu’elles sont à l’origine de la première consultation de nourrissons de la Martinique (ancêtre de la PMI protection maternelle infantile) consultation qu’elles organisent avec la collaboration de la mairie de Fort-de-France. L’UFM participe aussi aux côtés des syndicats et des partis politiques à la bataille pour la mise en place de la Sécurité Sociale et à la mobilisation pour l’obtention des allocations familiales pour tous.

Le 19 octobre 1947, Jane est  élue  au conseil municipal du Lamentin. Mais lauréate d’un concours elle doit s’expatrier.

Après une formation à l’école des assistantes sociales de la Seine, elle obtient son diplôme le 1er août 1951 puis travaille à la Caisse Régionale de Sécurité Sociale de Paris comme assistante sociale au service de la Seine et Oise, jusqu’en 1957. En 1958, Jane Léro est enfin mutée à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de Fort-de-France. Elle est responsable de l’organisation du service social, lourde tâche dont elle s’acquitte avec compétence et dévouement.

A son retour, le paysage politique de l’île a changé, la gauche est divisée. Après sa démission du Parti communiste en 1956, Aimé Césaire crée en 1958, le Parti Progressiste Martiniquais. L’UFM subit les conséquences de cette scission, car de nombreuses militantes ont suivi Césaire.

Jane « écartelée entre le Parti Communiste et son amitié pour les époux Césaire » vit une période très difficile.

Le 17 juillet 1961, Jane Léro décède à l’âge de 45 ans. Sa mort demeure une énigme.

Voilà décrit le parcours de vie d’une femme hors du commun. En effet à l’époque, peu de femmes antillaises ont investi comme Jane la sphère publique.

Nous rendons hommage à son indépendance d’esprit, à son ouverture à l’environnement, à sa vision pour la Martinique.

Nous retenons son engagement politique, associatif et social ainsi que son rôle de pionnière dans l’organisation du mouvement féministe en Martinique et aux Antilles.

Pour saluer une de ses fondatrices, le siège de l’Union des Femmes de Martinique sis au 17 rue Lamartine à Fort-de-France a été dénommé « Espace Jane Léro » le 21 juin 2002.

Camille Pancarte

L’UFM a retracé la vie et les combats de Jane Léro dans un livret intitulé « Jane Léro, une pionnière du mouvement féministe à la Martinique ». En vente au siège de l’UFM et en librairies.

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